Le plan collège 2050 fait débat depuis quelques semaines dans les Deux-Sèvres, notamment en Gâtine où plusieurs établissements vont fermer. Une nécessité « pédagogique, énergétique et démographique », explique le Département. Ce qui n’est pas du goût des parents d’élèves concernés par les fermetures. Ils avancent leurs arguments. Et un volte-face de la dernière minute ce jeudi 9 février.

Le plan collège présenté le vendredi 3 février dernier fait débat. Au cours d’une conférence de presse animée le même jour, le département des Deux-Sèvres, par la voix de sa présidente Coralie Dénoues, a tenté de montrer le bien fondé de ce plan, qui passe par la fermeture de plusieurs établissements en Gâtine. Elles ont été présentées ces dernières semaines aux parents d’élèves, enseignant et élus lors de conseils d’administration d’établissements. Un collège à Parthenay, un autre à Mazières-en-Gâtine et un troisième à l’Absie sont condamnés.

Retour sur les explications données par la collectivité pour justifier ce que certains appellent « un redéploiement ».

Les objectifs

« Courant 2022, deux événements sont venus infléchir la stratégie d’investissement jusque-là mise en œuvre, conduisant le Département à envisager une nouvelle approche de sa politique bâtimentaire », indique le Département. « D’une part, la publication du « décret tertiaire » en 2019, complétée par celui du 1er mars 2022. Il impose aux collectivités territoriales d’atteindre un objectif de zéro émission carbone à l’horizon 2050.  D’autre part, l’inflation du coût des énergies fossiles liée au déclenchement du conflit en Ukraine a entraîné une augmentation historique des dépenses de viabilisation des établissements, principalement en matière d’électricité et de chauffage. »


Lors de la conférence de presse du vendredi 3 février au conseil départemental des Deux-Sèvres. Photo CD79.

Ces deux éléments ont conduit le Département à réaliser un diagnostic technique et énergétique de l’ensemble des collèges.  Achevé à l’automne 2022, celui-ci a révélé une vétusté quasi généralisée des bâtiments provoquant une surconsommation structurelle des fluides principalement carbonés. 

Quelle démographie demain ?

Par ailleurs, une étude de l’évolution démographique des collégiens en Deux-Sèvres, réalisée par un cabinet spécialisé, « montre une forte érosion du nombre de collégiens, de l’ordre de 12 %, pour atteindre un volume projeté d’élèves à 11 916 collégiens en 2032 contre 13 542 cette année. Cette chute démographique, non homogène sur le territoire, renforce le constat de surcapacité des locaux dans la majorité des collèges, à l’exception de ceux implantés dans l’agglomération niortaise et à Bressuire.« , assure le Département.

« Dès lors, compte-tenu de l’ampleur des travaux nécessaires pour une remise à niveau technique et énergétique globale, estimée autour de 250 millions d’euros, le Département a considéré qu’il fallait saisir cette occasion pour requestionner l’ensemble des sujets avant d’engager la programmation des investissements. »

« Ce sont ces constats qui ont conduit le Département à bâtir le Plan « Collège 2050 » qui a vocation à définir collectivement une stratégie partagée de redéfinition de l’offre en Deux-Sèvres, tant dans ses dimensions pédagogiques et éducatives que dans ses caractéristiques techniques et géographiques », observe la collectivité. « Cette recomposition de l’offre participera également à améliorer l’attractivité des collèges pour les enseignants et la constitution d’équipes pédagogiques stables. En parallèle, le Département accompagnera pleinement la reconversion des sites en privilégiant des projets permettant de développer une nouvelle attractivité pour les communes concernées. »

« Ces projets seront élaborés en étroite collaboration avec les municipalités et les intercommunalités qui pourront profiter de ces opérations pour implanter également de nouveaux services publics pour les habitants », promet le Département.

Concertation

Ce Plan collège 2050 a été présenté au Conseil Départemental de l’Éducation Nationale (CDEN) puis soumis vendredi 3 février au vote de l’assemblée départementale, « étapes nécessaires avant la mise en place du comité de pilotage départemental en mars prochain, des cinq groupes territoriaux par bassin de vie et des groupes de travail thématiques. »
Un appel à participation sera prochainement ouvert à destination de tous les Deux-Sévriens sur le site internet du Département. 

Neuf groupes de travail

Selon le département, « l’accueil des jeunes en collège se structure autour de plusieurs enjeux qui permettent de leur offrir un environnement d’apprentissage et des conditions d’accueil, confortant la réussite scolaire et le développement personnel du jeune citoyen en devenir. « 

Neuf enjeux sont ainsi définis  :

– l’enjeu éducatif, la vision de l’Éducation nationale sur le collège de demain ; 
– l’enjeu numérique, la technologie au service de la pédagogie et de la vie scolaire ; 
– l’enjeu alimentaire, la production locale et la transformation au service de la qualité ;
– l’enjeu sanitaire, l’avenir de la détection, du suivi et de la prévention des collégiens ; 
– l’enjeu inclusion, l’intégration de tous les enfants au collège ; 
– l’enjeu sociétal, les fonctions attendues du collège de demain ; 
– l’enjeu territorial, les coopérations locales envisageables et nécessaires ; 
– l’enjeu bâtimentaire, l’architecture au service de la qualité de vie et de la sobriété ; 
– l’enjeu mobilités, les conditions d’accès des collégiens au collège. 

 La Gâtine, territoire pilote 

Parmi les cinq territoires définis (le Bocage bressuirais, le Thouarsais Airvaudais, la Gâtine, le Mellois, le Niortais Saint-Maixentais) pour engager les réflexions sur l’avenir des collèges publics, « la Gâtine est celui qui concentre le plus grand nombre de caractéristiques qui seront transposables aux autres territoires. », reprend le Département pour expliquer son choix de la Gâtine comme zone test. « Doté d’une ville principale attractive, de villes secondaires dynamiques et d’une ruralité préservée, ce territoire s’est avéré idéal pour mettre en œuvre les grandes orientations qui seront élaborées dans le cadre du Plan « collège 2050 ». Les nombreux contacts avec les élus locaux et les communautés éducatives ont globalement montré que la majorité d’entre eux partagent la même volonté de s’engager dès maintenant dans la transformation et la modernisation des collèges. »

« Ce projet d’organisation future est le fruit d’un travail de mise en cohérence de la cartographie des collèges avec les exigences liées aux évolutions démographiques et aux objectifs de performance énergétique des bâtiments mis à disposition de l’Éducation nationale. Désignée « Territoire pilote », la Gâtine servira donc d’observatoire et de laboratoire aux autres bassins dont la réflexion est à ce jour moins avancée. « 

Une offre éducative étoffée ?

« L’objectif du Département des Deux-Sèvres est très clair », conclut la collectivité : « Permettre à tout collégien, quels que soient sa condition sociale et son territoire d’habitation, de fréquenter un collège à distance raisonnable de son domicile, accessible, moderne et adapté aux exigences pédagogiques, technologiques et environnementales actuelles, où il fait bon vivre, se restaurer, avec une offre éducative étoffée dans un établissement ouvert sur l’extérieur et connecté à son environnement. « Le Plan collège 2050 construira des établissements vivants et présents dans leur territoire et des territoires présents et vivants dans leur collège. Il construira des collèges où réussir, oser, s’épanouir seront des évidences », conclut la Présidente du Conseil départemental des Deux-Sèvres.

Ces éléments présentés donc aux parents d’élèves des collèges de Secondigny, Parthenay, et Mazières-en-Gâtine ne semblent pas emporter l’adhésion de ces derniers, ni des élus de Mazières-en-Gâtine qui sont récemment montés au créneau pour dénoncer ce projet.

Ils s’expriment d’ailleurs dans un communiqué de presse que voici :

Le communiqué de presse des élus de Mazières-en-Gâtine.

Les parents d’élèves de Mazières ont également exprimé leur désaccord en manifestant le jour de la délibération portant sur le plan collège 2050.

Manifestation des parents d’élèves de Mazières-en-Gâtine. Photo Facebook Malène Pacault.

Depuis, de nombreuses personnalités de gauche comme de droite de Gâtine ont indiqué leur mécontentement, indiquant notamment que la suppression des collèges en milieu rural « n’allait pas dans le bon sens. »

« De nombreuses fausses rumeurs au cuir épais« 

Dans un nouveau communiqué en date du 8 février, le Département revient sur ce plan et, selon lui, de « fausses rumeurs » évoquées depuis plusieurs semaines. Voici ce communiqué :

Sur le plan présenté le 3 février dernier, « de nombreuses fausses rumeurs au cuir épais circulent dans les communes”, regrette Coralie Dénoues, présidente du Conseil départemental des Deux-Sèvres. “Voilà plus de 18 mois que nous travaillons à l’élaboration de ce plan. Celle-ci a connu le long processus de réflexions, d’études, de construction scénarios, de débats et de concertations. Nous avons également respecté le processus démocratique, ce plan n’a pas été présenté avant le vote des élus de l’assemblée départementale du 3 février 2023. Il ne s’agit donc pas d’un manque de communication de notre part mais plutôt de l’expression de notre attachement à la démocratie locale. En résumé, il s’agit d’un travail sérieux entre élus responsables qui nourrit un plan en phase avec son territoire et le quotidien de ses habitants, un plan étranger aux fausses informations que je souhaite démentir : 

Huit rumeurs

« Les collégiens vont passer plus d’une heure dans les transports pour rallier leur établissement : faux, le maillage territorial des établissements tel que défini dans le Plan “Collège 2050” et notamment pour La Gâtine, territoire pilote, place les communes à moins de 15 km d’un établissement. Une distance augurant d’un temps de trajet inférieur à 45 minutes comme préconisé par la réglementation. Dans l’éventualité de la fermeture du collège Roger-Thabault à Mazières-en-Gâtine, les collégiens concernés se reporteraient sur des établissements situés au maximum à 13,7 km de leur lieu d’habitation. »

« Tous les collégiens de Roger-Thabault à Mazières-en-Gâtine iront au collège de Secondigny : faux, la carte scolaire sera revue afin que les élèves des communes de l’ancien canton de Mazières-en-Gâtine soient répartis dans les collèges les plus proches à savoir ceux de Parthenay, Saint-Maixent-l’Ecole, Secondigny, Champdeniers. Pour certaines communes, le nouveau collège de rattachement sera plus proche que le collège de Mazières. »

« Ce plan va favoriser le report des élèves du public vers les collèges privés : faux, l’offre pédagogique proposée par les collèges privés est complémentaire de celle proposée par les établissements publics et elle le demeurera. La collectivité a veillé à ne pas déséquilibrer l’offre public-privé en proposant la reconstruction d’un établissement à Secondigny, commune dotée d’un collège privé. Aussi, les familles auront toujours le choix entre le public et le privé pour scolariser leurs enfants . »


Coralie Dénoues veut tordre le cou à certaines « rumeurs » véhiculées sur son plan Collèges 2050. Photo Amanda Bronscheer.

« Les communes concernées par la fermeture d’un établissement vont perdre des habitants : faux, selon les données Insee et à titre d’exemple, La Chapelle-Saint-Laurent, dépourvue d’établissements scolaires, voit sa population grimper de 1955 habitants en 2014 à 2049 en 2020 tandis que la commune d’Argentonnay dotée d’un collège voit sa population décroître de 3248 habitants à 3197 habitants en 2020. Il n’y a donc pas de corrélation directe entre la présence d’un collège et le dynamisme démographique d’une commune, bien d’autres éléments concourant à son attractivité. » 

« Le nouveau collège de Secondigny va coûter 80 millions d’euros : faux, 80 millions est le montant approximatif dédié au plan collège sur la mandature pour la Gâtine. Pour mémoire, le dernier collège construit en 2018 à Bressuire a coûté 16 millions d’euros à la collectivité. Le budget dédié au futur collège de Secondigny devrait avoisiner les 20 millions d’euros, en comptant le futur internat d’excellence. » 

« L’internat d’excellence est réservé à une élite : faux, cet internat d’une capacité de 60 élèves s’adressera à tous les collégiens du département motivés qui souhaitent changer de cadre de vie pour réussir leurs études, construire leur projet professionnel, développer leur sens de la vie en communauté et des responsabilités. Cet équipement pourra également répondre aux jeunes qui rencontrent des difficultés particulières d’ordre social, économique ou familial et qui ne bénéficient pas d’un environnement favorable pour réussir leurs études. »

« Des établissements de 450 élèves sont de véritables usines : faux, selon l’Education nationale, un socle minimal de 450 élèves faciliterait la présence d’une équipe pédagogique étoffée avec une plus grande proportion de professeurs à temps complet. Les Deux-Sèvres sont d’ailleurs en retard par rapport aux autres départements, affichant des effectifs par collège plus réduits que la moyenne nationale. Effectif des collégiens et diversité de l’offre pédagogique sont donc indéniablement corrélés. En plus d’être une jauge préconisée par l’Education nationale, le Département, fin connaisseur de ses établissements du second degré, constate sur son territoire que le collège Henri-Martineau fort de ses 441 élèves ou Jean-Vilar à La Crèche comptant 686 élèves n’ont rien en commun avec des usines à collégiens ! Bien au contraire, ce format de collège montre toute la pertinence de disposer d’une équipe complète et stable au service des projets pédagogiques . »

« Le Département abandonne la ruralité : faux, aucune friche bâtimentaire ne sera laissée en lieu et place des collèges fermés car les sites feront l’objet d’une reconversion complète. Le Département a décidé d’accompagner pleinement la reconversion des sites en privilégiant des projets permettant de développer une nouvelle attractivité pour les communes concernées. Ces projets seront élaborés en étroite collaboration avec les municipalités et les intercommunalités qui pourront profiter de ces opérations pour implanter également de nouvelles activités et de nouveaux services publics pour les habitants, lesquels généreront de l’emploi, des retombées économiques locales et capteront des familles. »


Rebonsissement

Le Département des Deux-Sèvres a décidé de revenir sur l’une de ces décisions tout en décidant un moratoire sur la fermeture du collège de Mazières-en-Gâtine. Voici ce que dit le communiqué :

« Depuis la présentation du projet « Gâtine, territoire pilote », en assemblée départementale de 3 février dernier, le Département a décidé de retirer l’échéance de la fermeture du collège de Mazières- en-Gâtine. Compte tenu de ce moratoire, le projet de reconversion du site de Mazières-en-Gâtine est par voie de conséquence annulé.
Pour Coralie Dénoues, Présidente du Conseil départemental : « Le Département, soucieux du développement des territoires ruraux, va poursuivre les autres projets en partenariat avec les communes concernées pour transformer et moderniser la Gâtine. Nous allons lancer les concertations pour les rénovations des collèges de Thénezay et Ménigoute, les constructions du nouveau collège et de l’internat à Secondigny et du grand collège de Parthenay, ainsi que les reconversions du site du collège Mendès France à Parthenay et du site de L’Absie autour d’un projet d’envergure dédié à l’habitat multigénérationnel.
En dotant La Gâtine de quatre collèges neufs, modernes et innovants, et de deux grands projets de reconversion de site, le Département engage ainsi un ambitieux plan d’investissement en faveur de la jeunesse et de la ruralité. »


Légende photo couverture : Débat sur la plan collège 2050 tendu le 3 février dernier, avec la présence des parents d’élèves de Mazières-en-Gâtine mécontents. Photo Facebook Malène-Pacault.