Le 30 avril dernier, un piéton était découvert mort dans le quartier du Pontreau à Niort. Le défunt était un SDF connu dans le quartier. Une de ses proches, Cécile, a évoqué la vie de cet homme. Son témoignage est bouleversant.
C’était Patrice C., un sans-abri Ardéchois, domicilié sur Niort depuis une vingtaine d’années d’après lui, sans trop se souvenir de l’année exacte ». Ce commentaire a été laissé par une de ses proches de Niort.
Cécille Pld a rédigé un long témoignage très émouvant sur notre page Facebook évoquant le décès d’un piéton dans ce quartier de Niort, au matin du mercredi 30 avril. Ainsi que l’histoire d’une photo qu’elle époque tout en bas de cet article.
De l’eau et un sandwich
» J’avais fait sa connaissance un jour d’avril 2024, quasi au même endroit, alors qu’assis à côté du poteau, au coin de l’école primaire Jules Ferry et le parking d’Intermarché où il avait l’habitude de faire la manche, quand ce n’était pas sur les marches de l’école maternelle. Je devais revenir ce jour-là de ma séance de sport quand mon regard s’est arrêté sur sa grande et frêle silhouette, barbe et cheveux blancs en concluant que d’un certain âge. »
Et Cécile qui a accepté que nous reproduisions son témoigne écrit : « De nature hypersensible, dans l’empathie, généreuse, j’ai traversé la route pour m’accroupir à sa hauteur, lui demandant s’il avait besoin de quelque chose, ce à quoi il m’avait répondu de l’eau et un sandwich que je lui avais ramené avec me connaissant un petit quelque chose en plus. Quoi ? Ma mémoire est catastrophique ne retenant plus guère grand chose ne serait-ce que du quotidien, en plus de ne pouvoir me concentrer, donc autant dire qu’il y a des mois… »
« Il dormait à même le sol dans les buissons de la place de Strasbourg »
» Je m’étais demandée où il dormait, dans quelles conditions. Il m’avait touché, attristé à son âge de vivre dans la rue la plupart du temps. De ce fait je suis revenue le voir le lendemain, surlendemain, quasi tous les jours lui apportant un tapis de sol en mousse autogonflant pour ne pas dormir à même le sol dans les buissons de la place de Strasbourg en travaux, avant qu’ils soient arrachés. Un oreiller, dormant sur sa veste repliée sous sa tête, duvet, lampe de camping pour s’éclairer au besoin, lire lorsque la nuit tombée etc. »
La solidarité dans le quartier
» J’allais régulièrement lui acheter quelque chose à grignoter quand ce n’était pas des passants du quartier lui offrant de la nourriture, à boire ou quelques pièces. Un grand merci à celles et ceux si reconnaissants. Chaque jour je lui apportais quelque chose, il m’appelait son ange. Je me sentais utile. Ca me faisait plaisir de l’aider du mieux que je pouvais, passant une bonne partie de l’été assise longuement à ses côtés pour lui tenir compagnie, que le temps lui paraisse moins long. »
Le syndrome de Diogène dans sa forme la plus marquée
« C’est ainsi qu’au fil des jours, il m’a raconté un peu sa vie, son passé, et que j’ai appris ses bons et mauvais côtés. Fumeur, alcoolique, il l’était depuis de très nombreuses années. Son père l’était aussi donc terrain propice à le devenir aussi. Atteint également du syndrome de Diogène dans sa forme la plus marquée, cela lui lui avait valu dans le passé d’être expulsé par deux fois de deux logements en location rue Saint-Gelais, par les propriétaires pour grande insalubrité. Des tonnes de déchets en tout genre ayant été évacués par une société spécialisée, accumulant tout, ne jetant rien, pas même nourritures avariées etc. Je n’en dirais pas plus mais logements à refaire du sol au plafond tant c’était sale pour rester polie, et sentant très mauvais, chose qui m’avait été dite par sa tutrice qui en avait pleuré le jour où découvrant l’état de son logement. »
Enfant, il se lavait à l’eau froide
« C’est quelqu’un qui même lorsqu’il le pouvait, ayant été aussi hébergé parfois chez des connaissances, ou lors de séjours à l’hôpital, l’hôtel, ne prenait jamais de douche ou extrêmement rarement et très vite, n’aimant pas se laver. D’après lui, lorsque enfant, alors que ses parents étaient pauvres, avec de nombreux enfants, devaient avoir eu à l’époque 12 voir 13 frères et sœurs, ils se lavaient à l’eau froide été comme hiver et ça l’avait marqué. »

« J’avais dû lui racheter quelques vêtements, sous-vêtements car il n’avait quasi rien à se mettre et ce qu’il avait était dans un sale état. »
« L’ATI, sa tutrice et le juge des tutelles avaient mis quasi deux mois pour me rembourser et encore il y a beaucoup de frais annexes que je ne lui avais pas fait payer parce que ce que j’achetais pour lui, je le voulais bien, et que je ne souhaitais pas davantage abaisser l’argent qu’il avait sur son compte. »
Des sentiments amoureux
« Le souci, c’est qu’en étant souvent présente pour lui, il s’était très vite attaché à moi, nourrissant des sentiments amoureux, même si nombre de fois je lui ai dit que je le pensais dépendant affectif, non pas in love, chose pour laquelle il n’était pas d’accord. Pour lui j’étais sa copine, sa chérie, n’ayant jamais aimé une autre fille, femme autant que moi, pas même la mère de ses trois enfants. Certes, donc du coup gênée du décalage entre ses sentiments et les miens, ce qui fût un temps, cet été, un peu d’attachement. Après avoir fait un pas en avant, j’en ai fait trois en arrière, le connaissant davantage avec son besoin d’alcool, tenant tout juste debout parfois, son manque, absence d’hygiène, son alcool triste qui l’amenait à me dire x fois qu’il m’aimait : »Si tu savais comme je t’aime », et son chantage affectif, sentant que je m’éloignais de lui, qu’essayant de lui faire comprendre que nous deux ce n’était pas possible pour diverses raisons dont celles citées. »
« Quand il avait bu, il était suicidaire »
« il me disait alors sous alcool qu’il voulait crever, me le répétant chaque fois dans cet état, que si nous deux c’était fini même si pour moi ça n’avait jamais vraiment commencé, bien qu’il savait ce qu’il avait à faire, sous-entendu mettre fin à sa vie. Donc quand il avait bu, il était suicidaire, au point qu’une fois assis sur les marches de la maternelle, sous mes yeux à quelques centimètres de moi, il s’était planté un couteau dans le ventre. Tellement choqué, en panique qu’incapable de me souvenir des numéros des pompiers, SAMU, alors que je les avais dans mes contacts, et que j’avais dû appeler une connaissance à lui passant sur le trottoir d’en face pour qu’elle vienne vite m’aider à les contacter. »
« J’étais sa personne de confiance »
« Par chance ce jour là, aucun organe touché mais il s’en était fallu de peu, ce qui m’avait un peu plus refroidie de voir de quoi il était capable. »
« Je lui lavais toujours son linge. J’étais sa personne de confiance, celle à appeler en cas de problème quelconque, sa tutrice, son assistante sociale, les urgences, l’hôpital, son médecin. Tous avaient mes coordonnées téléphoniques si besoin de me joindre, lui n’ayant pas de portable, tout comme j’avais sa carte de retrait bancaire pour lui retirer ses 110 € qu’il percevait chaque mardi, et les lui donnais. »
Il logeait dans une cave
« C’est ainsi que je l’ai vu mardi 29 dans l’après-midi pour les lui remettre ainsi que sa carte bancaire, souhaitant prendre davantage mes distances avec lui. Son état en ce début d’année était devenu un peu trop lourd pour moi, en plus de ses attentes. Je suis repassée le voir vers 19h30 par là.Il m’attendait assis sur une pierre devant l’entrée des camions d’Intermarché, je l’ai accompagné jusqu’à la tour 6 du Pontreau où une connaissance à lui le logeait depuis quelques jours dans sa cave. C’est la dernière fois où je l’ai revu. »
» Ce matin jeudi vers midi, deux voitures de police se sont garées devant chez moi. Deux agents ont demandé à mon fils se trouvant dans la cour au même moment, s’il pouvait me prévenir qu’ils souhaitaient me parler. C’est là qu’ils m’ont appris son décès auquel je ne m’attendais pas du tout même si je savais qu’une grippe sévère en Janvier ainsi qu’un virus l’avaient conduit à une hospitalisation sur Niort puis sur Poitiers, et qu’il s’en était pas encore remis, s’essoufflant très vite au bout de quelques mètres, n’ayant plus de forces dans les jambes. Il souffrait d’un potentiel problème cardiaque ou aux poumons, pour lequel il devait prendre rendez-vous avec un cardiologue. »
Père de trois enfants
« J’ai eu un rendez-vous quelques heures plus tard au commissariat pour donner des éléments à l’agent qui m’a reçu afin de faire avancer l’enquête. Une autopsie a été demandée pour avoi s’il était décédé de « mort naturell. Une enquête est en cours pour retrouver des membres de sa famille, ne serait-ce que ses enfants qu’il n’avait plus vu depuis leur enfance, les ayant quitté ainsi que leur mère à l’époque, du jour au lendemain, leur laissant tout, la maison et toutes ses affaires. »
« Lui qui voulait tant ces derniers temps en finir avec la vie, il semble que son corps cette fois l’ait écouté. Repose en paix Patrice, enfin je l’espère pour toi… «
L’histoire d’une photo
