Article mis à jour par La rédaction

Rencontre avec Isabelle Dailly, auteure de « Moi, Ma vie, Ma chatte ».

Réalisatrice, photographe et ancienne journaliste, Isabelle Dailly s’improvise maintenant écrivaine avec son livre « Moi, Ma vie, Ma chatte », véritable appel à la libération de la parole sur le corps féminin.

D’une explication de ce qu’est la contraception à un témoignage de recours à une IVG (Interruption Volontaire de Grossesse), le contenu du livre porte sur les sujets dits « tabous » dans notre société et dans la vie d’une femme.

Ayant pour but, à l’origine, de créer un documentaire « Ma vie, Ma chatte, Mes emmerdes » en cours de production, Isabelle Dailly se livre aujourd’hui sur l’écriture de son livre et de tout ce qu’il en résulte. Ne se sentant pas légitime d’être appelée écrivaine face à d’autres romanciers ou auteurs que nous avons l’habitude de lire, elle a tout de même accepté de répondre à nos questions sur l‘écriture, la parution et le but de « Moi, Ma vie, Ma chatte ».

Isabelle Dailly avec son ouvrage

« J’ai toujours eu la chance d’avoir la capacité de faire parler les gens« 

Isabelle Dailly

La retranscription des témoignages présents dans le livre est assez brute, comme si les personnes nous racontaient leur histoire au cours d’une discussion entre amis, était-ce voulu ?

« Oui c’était voulu. Le but était de garder l’authenticité des discours sans transformer des phrases qui pourrait être trop familières pour être retranscrites dans un livre. J’ai vraiment voulu être au plus près de ce que l’on me racontait. »

Les témoins interrogés se livrent d’ailleurs sur des histoires assez personnelles, comment avez-vous réussi à les mettre en confiance face à ces sujets relativement difficiles à aborder ?

« J’ai toujours eu la chance d’avoir la capacité de faire parler les gens, quand je commence à converser avec eux sur les thématiques du livre je commence toujours par leur partager mon expérience. D’abord je me livre, ce qui permet d’instaurer une relation de confiance. J’explique bien que je fais également partie du livre et que toutes nos conversations seront bienveillantes. Rien ne sera transformé. Mais ça s’est fait très facilement jusqu’à finir en « café papotage » chez moi, puis mes études de journalisme m’aident dans ma façon d’aller chercher des informations ».

« Je me suis auto sabotée »

Vous avez eu recours à une IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) par le passé. Est-ce cet événement qui vous a donné envie de libérer la parole sur le corps féminin ?

« Oui parce que c’est une fois que je me suis autorisée à en parler que je me suis rendue compte que beaucoup de femmes autour de moi avait avorté, parfois des proches, et que je n’étais absolument pas au courant. Je me suis demandé « pourquoi ? ». Moi-même je me suis auto sabotée en me répétant que j’étais la seule à qui ce genre de chose arrivait et le corps médical de la région ne m’a pas du tout accompagnée. C’est là que j’ai compris que j’avais besoin d’en parler. Après avoir pris tous ces « vents » je me suis dit « c’est pas possible il faut que j’en parle ». »

Pensez-vous qu’aujourd’hui en 2021 la parole sur le corps des femmes est libérée, que les tabous se brisent petit à petit ou non ?

« Pour moi oui. On y va en tout cas. On est sur le chemin. Mais on n’est pas encore arrivé. Là où il faut faire attention c’est de ne jamais croire que c’est acquis. Je sème des graines dans des conversations, même si ça peut gêner ou déranger c’est le seul moyen pour briser tous les tabous. Selon moi, libérer la parole c’est un vrai cercle qui regroupe l’éducation à l’école et à la maison. Il faut pouvoir en parler de manière libérée à ses enfants, à ses parents ou à ses amis. Mon père était médecin pourtant je me rappelle très bien la première fois que je suis allée le voir pour demander de prendre la pilule, j’étais dans un état de stress monumental. Je n’y connaissais pas grand-chose et on n’en avait jamais discuté avant. »

« Puis on a commencé à papoter… »

Pour en revenir sur les personnes qui témoignent dans « Moi, Ma vie, Ma chatte », comment avez-vous fait pour prendre contact avec eux, s’agit-il de connaissances ?

« Alors il y a des connaissances. Puis parfois ce sont des personnes qui m’ont parlé d’autres personnes. Après, il y a aussi des rencontres : une dame au marché qui est venue vers moi pendant que je distribuais des tracts. Puis on a commencé à papoter et naturellement elle m’a raconté son histoire. Ensuite toutes ces interviews sont enregistrées en podcasts qui, j’espère, pourront être diffusés prochainement. Mais la plupart du temps, tout se fait naturellement dans la rencontre avec les témoins. »

Dans un des témoignages du livre, on peut lire « c’est un beau compliment d’être une femme ». Que pensez-vous de cette citation ?

Cette citation montre qu’être une femme, c’est vivre avec tout ce qui nous habite : la vulnérabilité, la fierté, la force. Quand on parle d’être une femme, on entend beaucoup dire que c’est la galère. C’est compliqué. On est moins bien payées. On a nos règles etc… Oui mais c’est aussi super cool. Et c’est à cause de tous ces jugements là qu’on doit ramer deux fois plus dans la vie. Avant, j’étais beaucoup dans le rejet de mes émotions car je n’acceptais pas de me sentir fragile. J’avais cette fausse croyance que fragile voulait dire faible. Sauf que ça n’a rien à voir, donc c’est important de s’écouter et accepter d’être triste.« 

Le livre d’Isabelle Dailly « Moi, Ma vie, Ma chatte » est en librairie aux éditions Nouvelles Sources.

Interview télévisée, février 2021